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Les Lumières d’Oujda de Marc Alexandre Oho Bambe



Peut-on encore être émerveillé(e) après des années de lecture ? Heureusement. Oui. Qu’est-ce que l’émerveillement en littérature ? Je ne parle pas forcément de crier au génie et de tomber à genou devant une œuvre qui serait l’Œuvre attendue toute une vie. Je parle de retrouver la joie des débuts, la position d’un enfant devant un jouet qu’il n’attendait pas et qu’il n’a pas demandé. Le jouet est à portée de main, devant lui, la surprise fait partie de l’instant qui explose comme une bulle de savon au contact de la peau. C’est rapide et naïf. Unique et magique. L’étonnement laisse bientôt la place à la sensation d’avoir découvert un trésor.

Les lumières d’Oujda de Marc Alexandre Oho Bambe m’a fait cette impression. C’est étrange d’ailleurs de vous parler en ces termes d’un livre qui n’a rien d’enfantin ni de joyeux. Les lumières d’Oujda relate une situation triste et monstrueuse. Elle montre la sauvagerie humaine tout en regorgeant d’humanités et d’espoir. Des fragments d’amour épars au milieu d’une mer de désespoir et de violence.

Quand j’ai plongé dans ce roman, j’ai su immédiatement que sa musique était différente d’un roman classique. Marc Alexandre Oho Bambe est slameur et poète sous le pseudonyme Capitaine Alexandre. Dans Les lumières d’Oujda, il mélange les genres, la poésie, le slam, le récit initiatique, et la formule fonctionne. Je me suis laissée bercer par ses mots, qui sont aussi les mots de ses personnages. Son héros est Camerounais, il a réussi à franchir la Méditerranée, il est arrivé à Lampedusa. Malade, il est envoyé à Rome pour y être soigné. C’est sa chance. Là-bas, il croise une journaliste française aussi blonde qu’il est noir. Ils vivent une passion sans se connaître vraiment, puis il est arrêté. C’est un extra-communautaire, il ne fait pas partie de l’Union européenne, les lois italiennes ne lui reconnaissent pas le droit de rester sur le sol romain et le voilà renvoyé au Cameroun.

A Douala, la honte le submerge. Pourtant il n’est pas seul. La voix de sa grand-mère, apaisante et sage, lui montre un autre chemin : à travers une association qui aide les candidats à l’émigration, il va se trouver un but, une occupation, puis un rôle à part entière qui lui donner matière à renaître. De Douala à Oujda au Maroc, il rentre dans une nouvelle communauté, sous la protection du père Antoine, bon samaritain qui prend sous sa protection de jeunes migrants brisés. Ils ont fui la Guinée, le Mali, le Soudan et l’Erythrée, ont vécu les pires sévices, viols, tortures, abandons, esclavage. Pour faire sortir la violence tapie en eux et les apaiser, l’ancien migrant a la lumineuse idée de les faire écrire, chanter, slamer. La poésie est à l’œuvre. Plus rien ne l’arrêtera.

La force du récit de Marc Alexandre est de mettre en mots ces douleurs, de créer une langue propre à chaque personnage : Imane, l’étudiante marocaine en droit qui supplée le père Antoine, Ibra le fugueur en quête de sa mère, Yaguine et Fodé, les poètes de la rue, brisés par une dictature. Roman choral, roman d’amour, cri d’alarme, récit de combat, Les Lumières d’Oujda est inclassable. *

Semblable à la flamme d’une bougie qui refuse de s’éteindre, éclaire un morceau de la nuit, la pose de l’écrivain rejoint celle du poète dans une alchimie heureuse.



Si vous voulez écouter le rythme de Capitaine Alexandre alias Marc Alexandre Oho Bambe lisant un extrait de son roman, cliquez ici

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